A- A A+
mardi 23 avril 2024

Commission de la mémoire franco-québécoise

  • 1
  • 2
  • 3
  • 4

CMFQ ColloquePF 600x80 2

Molière

Arts, lettres, musique, sociologie, politique culturelle au cours des années 1944-1959 sont à l'honneur dans le 68e Cahier des Dix (2014), lancé en mars 2015

Par Gilles Durand

 

68e Cahier des Dix (2014)

Les huit contributions du 68e Cahier des Dix (2014) nous font connaître davantage le volet culturel de l'histoire du Québec : idéologies, éducation, arts, lettres, musique, patrimoine, politique, sans oublier la dimension sociologique.

Parmi les textes présentés, celui sur les politiques culturelles du gouvernement Duplessis de 1944 à 1959, préparé par le secrétaire de la Société des Dix, Fernand Harvey, présente un intérêt pour la compréhension de la Révolution tranquille. L'auteur nous amène à la conclusion que les années 1960 sont davantage une accélération qu'une coupure radicale avec la période antérieure du gouvernement Duplessis. Qu'en est-il exactement?

Pour Duplessis et son gouvernement, le Québec est le gardien particulier d'un riche héritage, celui apporté par Champlain et développé par ses descendants. « La province de Québec, de dire le premier ministre en 1951, est la gardienne de la riche culture française …qui reflète et évoque la semence que nos aïeux ont jetée en terre canadienne et en terre américaine… La province de Québec [lire : le gouvernement] et la population de la province, dépositaires de la culture française, se doivent de prendre toutes les initiatives possibles pour conserver ces richesses et son héritage culturel et historique (Cahier 68, p. 220) ». Après l'adoption du fleurdelisé en 1948, le secrétaire de la Province, Omer Côté, émet une directive pour la plantation d'un mat devant chaque école au bout duquel flottera le drapeau du Québec. Il écrit à l'endos d'une photo prise lors d'une inauguration : « Depuis que nous avons un drapeau les petits comprennent mieux la signification de notre emblème et la grandeur de notre race (Cahier 68, p. 195). »

Par conviction et sous la pression de nouveaux besoins, le gouvernement Duplessis investit toujours davantage pendant les années 1944-1959 dans le domaine de l'éducation et de la culture : construction de nouvelles écoles, subventions, etc. Même s'il faut y voir des interventions au cas par cas plutôt que découlant d'une politique d'ensemble articulée, il n'en demeure pas moins que l'aide apportée par le gouvernement démontre une vision de l'importance plus grande du rôle de l'État pour soutenir la culture. Ce soutien peut aussi être vu comme le prélude des différentes politiques culturelles sectorielles mises en place dans le champ de la culture à la suite de la création du ministère des Affaires culturelles en 1961.Par contre, en matière de relations avec la France, Duplessis n'y voit pas un grand intérêt dans le contexte des années 1950 : « une telle agence, affirme-t-il, serait paralysée du fait que la province de Québec n'a pas de standing du point de vue international et que l'agent d'une province n'a pas de rang diplomatique (Cahier 68, p. 229-230) ». Il n'en demeure pas moins que l'idée est dans l'air et qu'elle sera reprise par le gouvernement Barette avant d'être mise à exécution par le gouvernement Lesage.

À souligner également que la menace de séparation du Québec n'est pas totalement absente. Omer Côté, secrétaire de la Province, lance cette mise en garde lors d'une causerie prononcée à l'Université d'Ottawa en 1945 : « …Il pourrait bien arriver qu'à ce jeu [le Canadien français] cesse un jour de vouloir une union qu'il a tant protégée… (Cahier 68, p. 194) ». Nous n'en sommes pas encore à l'insistance sur « l'égalité ou l'indépendance » du premier ministre Daniel Johnson, pour qui cependant la menace de séparation du Québec apparaît plus comme une stratégie de négociation avec Ottawa.

Le fait de porter notre attention sur le texte sur les politiques culturelles ne doit pas faire oublier beaucoup d'autres aspects traités dans le 68e Cahier : par exemple, la vision du castor qui se modifie pour le présenter comme l'emblème du travail, la grève de l'amiante de 1949 avec cette remarque de Pierre Elliott Trudeau dans la publication du même nom (1956) qu'il a dirigée : « Mais il s'est trouvé que c'est dans l'amiante que le feu a pris (Cahier 68, p. 157)! ». Et ce ne sont pas les seuls sujets abordés. Procurez-vous le 68e Cahier auprès des Éditions La Liberté, 2360 chemin Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4H2, tél. : 418 658-3763, courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

champlain vague