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Du Québec
à la Louisiane, sur les traces des Français
d’Amérique
De l’histoire de l’Amérique française
à sa mémoire
Numéro spécial du magazine Geo Histoire
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Le magazine Geo Histoire a lancé
tout récemment un numéro hors-série (no
20), sous le titre Du
Québec à la Louisiane, sur les traces des Français
d’Amérique.
La publication apporte une contribution marquante à la
connaissance du fait français en Amérique du Nord.
Elle débute par une préface soignée écrite
par deux écrivains de métier, Olivier et Patrick
Poivre d’Arvor. Sous le titre « Tout d’un
vrai roman-fleuve », ils nous mettent en appétit
pour découvrir et au besoin redécouvrir l’aventure
française en nous communiquant leur passion pour les
pères fondateurs de la Nouvelle-France, Jacques Cartier
et Samuel de Champlain.
Le plan suivi par la revue est calqué sur les points
d’ancrage des Français en Amérique du Nord
au nombre de quatre : la vallée du Saint-Laurent
avec sa porte d’entrée sur la côte atlantique,
la région des Grands Lacs ou Pays d’en haut, et,
dans la vallée fluviale du Mississippi, le Pays des Illinois
et la Louisiane version française et américaine.
Leur présentation se fait par alternance de synthèse
historique, écrite par un historien spécialiste,
et de reportage préparé par un journaliste. Les
reportages établissent le lien entre le passé
et ses traces dans le paysage actuel, sans jamais manquer l’occasion
de faire ressortir le côté merveilleux de l’expérience
française en Amérique.
Il revient à l’historienne, Raymonde Litalien,
représentante de Bibliothèque et Archives Canada
à Paris, de nous introduire à la grandeur démesurée
du premier empire colonial français en Amérique
du Nord aux 17e et 18e siècles,
« un espace de Terre-Neuve aux Grands Lacs, de la baie
d’Hudson au golfe du Mexique », dont la vallée
du Saint-Laurent était le principal pôle de développement
et le moteur. Les reporters de Geo prennent ensuite
la relève pour s’attarder au site exceptionnel
de la ville de Québec de même qu’à
cette double voie, fluviale et terrestre, qui mène de
la capitale à la future métropole, avec tout ce
qu’elle laisse découvrir d’emprunts à
la France à travers ses églises, ses manoirs,
ses fermes et sa toponymie; mentionnons à titre d’exemple
les rapides de Lachine qui empruntent leur spécifique
à cet espoir longtemps entretenu par les Français
de trouver à travers le continent une voie pour atteindre
cet Orient fabuleux.
Les Pays d’en Haut sont pris en charge par Gilles Havard,
historien chargé de recherche au Centre national de recherche
scientifique à Paris. Ce spécialiste des questions
de métissage nous brosse une synthèse remarquable
des différentes facettes de l’alliance entre blancs
et Indiens; le partage au fil quotidien des jours donnera naissance
à une communauté originale et métisse animée
par la fierté de sa double origine. Quant aux reporters
de Geo, ils nous guident sur ce chemin d’eau
ouvert par les explorateurs et les trafiquants de fourrure depuis
Montréal jusqu’à Winnipeg, en fait notre
première transcanadienne balisée de huit postes
de traite. Ils ne manquent pas de saisir l’occasion de
rappeler que la recherche d’un eldorado a plutôt
conduit les commerçants français à découvrir
quelque chose de bien différent : l’or brun
c’est-à-dire les fourrures, les Amérindiens,
dont ils ont adopté les façons de faire et le
mode de vie, de même que l’âpre concurrence
des trafiquants britanniques dont témoignent encore aujourd’hui
dans le paysage les vestiges du fort Prince-de-Galles, construit
à l’embouchure de la rivière Churchill.
Le Pays des Illinois, carrefour dans l’espace entre le
Canada et la Louisiane, mais aussi carrefour dans le temps entre
les premiers Français et les habitants actuels dont le
parler anglais ne leur a pas fait oublier leur généalogie
française, est replacé dans son espace et dans
son contexte, sur fond de guerre franco-anglaise, par Cécile
Vidal, historienne et professeure à l’Université
Pierre-Mendès-France - Grenoble. La synthèse soignée
qu’elle nous livre sur les débuts de ce que beaucoup
considéraient « comme le plus beau pays du monde
», laisse découvrir une région d’abord
tournée vers Québec qui bascule vers le bas du
Mississippi, l’exportation de la farine de froment et
du lard en Basse-Louisiane faisant place à celle des
fourrures vers la vallée du Saint-Laurent. Photographies,
commentaires et reportages viennent ensuite faire le lien entre
l’histoire et les paysages et lieux actuels : certains
qui nous sont au moins plus familiers de noms, telle la vallée
de l’Ohio, la capitale du blues Memphis, la capitale de
l’automobile américaine Détroit, d’autres
beaucoup moins par exemple ce qui reste de l’un des hauts
lieux de la présence française, Fort de Chartres.
Toutes ces présentations laissent place également
aux témoignages des reliques des premières familles
françaises, les archives.
Le tableau de la Louisiane, quatrième point d’ancrage
des Français qui a su profiter de ses sources au nord
et de son accès facile par la mer pour son peuplement,
est dressé par Carl A. Brasseaux. La synthèse
que nous livre l’historien-directeur du Centre d’études
louisianaises à Lafayette, forme un bilan captivant de
trois siècles d’immigration qui ont donné
naissance à une population de langue française
composée aujourd’hui de Créoles blancs et
noirs, de Cadiens et d’Indiens Houmas. Les reportages,
qui suivent, mettent à profit les connaissances qui nous
sont déjà communiquées pour mieux nous
aider à faire le point sur la situation et les paysages
actuels, par exemple les raffineries qui remplacent les plantations
en bordure du Mississippi. Ils ouvrent une porte sur le «
côté noir de la Belle France », l’esclavage
qui a contribué à la fortune des grands propriétaires
terriens jusqu’à la guerre de Sécession.
Ils donnent au lecteur à penser que si le bayou à
l’ouest du delta mississippien, le deuxième plus
grand marécage des États-Unis, et le territoire
un peu plus au nord-est et au nord-ouest assurèrent la
survie des Acadiens à la suite du « Grand
Dérangement », par contre l’embouchure
du Mississippi causa la perte d’une des figures les plus
connues aux États-Unis, René Robert Cavelier de
La Salle; la recherche de cette porte d’entrée
l’amena à dévier de sa route 600 kilomètres
plus à l’ouest sur la côte du Texas et contribua
à la perte de son voilier « La Belle » comme
à la sienne propre. La découverte de l’épave
de « La Belle », échouée par plus
de trois mètres et demi de fonds dans la baie de Matagorda
et en train d’être restaurée à la
suite de son exhumation, laisse tout lieu de croire que le souvenir
de la vie d’hier des Français en Amérique
n’est pas prêt de s’éteindre.
Le présent numéro nous apparaît viser à
livrer au grand public une information de base, la plus à
date possible, dans un style soigné et coulant, sur le
premier empire colonial français, et soulever des questions
qui, à l’occasion, ont du piquant : par exemple
l’origine du nom Lachine accolé aux rapides, le
nombre de seigneuries que traverse le tracé du Chemin
du Roy, les prouesses du comte de La Pérouse à
l’embouchure de la rivière Churchill en 1782, l’identité
véritable de ces « Indiens blancs », la figure
la plus connue des Américains après La Fayette,
la portée de termes comme Créoles, Cadiens, Cajuns,
etc. En ce sens, l’ouvrage est aussi à l’honneur
du directeur éditorial et rédacteur en chef, Jean-Luc
Marty. Mais là n’est pas le seul mérite
de cette publication. Par sa mise en forme et par son visuel,
elle crée également l’émotion nécessaire
à l’incrustation de l’empreinte française
dans la mémoire, en d’autres termes à faire
passer de l’histoire à la mémoire l’aventure
française en Amérique : les avancées
sont accompagnés de photographies de personnages, d’événements
et de scènes d’aujourd’hui de même
que de reproductions de documents anciens, cartes géographiques,
imprimés, manuscrits, etc. parfois saisissants.
À l’intention du lecteur intéressé
à dépasser les connaissances livresques pour aller
sur le terrain, la revue se termine par un guide pratique de
parcours, dressant la liste des principaux points d’intérêt
à visiter avec localisation et présentation sommaire
de chacun de ceux-ci. Mentionner deux corrections à apporter
(la localisation du village de Champlain, situé sur la
rive nord du Saint-Laurent, dans la région du lac Champlain
et l’adjonction du générique ville à
Tadoussac, municipalité de village, p. 128) n’enlève
rien à l’utilité de ce compagnon indispensable
d’un voyage à la recherche du fait français,
ni non plus à la qualité de l’ensemble de
ce numéro spécial. Le contenu, le style d’écriture
et la mise en forme sont à l’égal de la
fierté des communautés de langue française
pour leur héritage culturel de même que de leur
l’attachement enraciné et soutenu pour celui-ci.
Gilles Durand
17 novembre 2006 |
Crédit
photo : Histoire de l'Amérique septentrionale: divisée
en quatre tomes; Claude-Charles Bacqueville de La Potherie.
Paris : Jean-Luc Nion … et François Didot, 1722.
Source : Bibliothèque nationale du Canada |
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