Les Archives de la Compagnie de
la Baie d’Hudson : la « filière française »
Les Archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson (ACBH), une division des
Archives du Manitoba, sont au nombre des trésors nationaux du Canada.
Fondée par une charte royale en 1670, la Compagnie de la Baie d'Hudson
est l’une des plus anciennes compagnies marchandes à charte
dans le monde. Des documents méticuleux ont été conservés,
laissant en héritage un patrimoine significatif d'information sur
les activités de la Compagnie sur une période de plus de trois
siècles. En 1974, la Compagnie a transféré ses archives
de Londres à la province du Manitoba, lui en faisant officiellement
don en 1993. En juin 2007, les Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson
couvrant les 250 premières années de l’histoire de la
Compagnie, de 1670 à 1920, ont été inscrites au registre
de la Mémoire du monde de l’Organisation des Nations Unies
pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO); par là,
l’UNESCO vise à préserver le patrimoine documentaire
d’importance mondiale. La mission des Archives de la Compagnie de
la Baie d'Hudson est de préserver ces documents et d'en permettre
l'accès au public.
Depuis son établissement, la Compagnie de la Baie d’Hudson
a entretenu des relations de différente nature avec les Français,
tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Une carte géographique
manuscrite, la plus ancienne des Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson
– la carte Thornton de 1709 – de même qu’un corpus
imposant de documents plus récents – appelé « les
documents des affaires avec le gouvernement français, 1914-1930 »
– témoignent tous de cette « filière française ».
Les rivalités dans le commerce des fourrures
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Carte de Thornton de 1709, HBCA G.2/1
Crédit |
Une compétition intense entre la Compagnie de la Baie d’Hudson
et les Français pour le contrôle du lucratif commerce des fourrures
de la baie d’Hudson caractérise les débuts de l’histoire
de la Compagnie. À compter de 1683, les commerçants de fourrure
français entreprirent de déloger la Compagnie de la baie :
ils attaquèrent ses postes, en prirent possession et ce n’est
que trente ans plus tard qu’ils les remirent à la Compagnie.
Un document qui illustre à lui seul, d’une façon succincte,
cette rivalité entre la Compagnie et les Français intéressés
au commerce des fourrures en Amérique du Nord de même que,
par ricochet, les relations en Europe entre l’Angleterre et la France,
est la carte du cartographe Samuel Thornton. On estime que cette carte,
qui date de 1709, a été utilisée comme preuve écrite
lors des négociations qui ont mené au Traité d’Utrecht
de 1713 : le Traité mit fin à la guerre de Succession
d’Espagne et amena la paix entre les États européens
belligérants, dont l’Angleterre et la France. Cette carte fait
valoir les prétentions de la Compagnie de la Baie d’Hudson
quant à ses droits de propriété en Amérique
et propose ce que devraient être les limites à la fois des
possessions anglaises de la Compagnie et du territoire français.
Elle trace une « ligne qui traverse le grand lac Miscosinke [Mistassini]
entre la baie d'Hudson et le Canada, laquelle pourrait servir de frontière
entre les deux nations, c'est-à-dire que les Français ne pourraient
traverser cette ligne vers l'ouest, qu'ils soient coureurs des bois ou autres,
ni s'établir à partir de cette ligne en direction de la baie
d'Hudson, pas plus que les Anglais, de la même façon, ne pourraient
le faire à l'est de ladite ligne, en direction du Québec ».
Les territoires réclamés par la Compagnie de la Baie d’Hudson
ont été cédés à l’Angleterre par
le traité d’Utrecht. Cependant, les rivalités et la
compétition, à l’occasion féroce et sanglante,
se prolongèrent sur au siècle suivant, s’étendant
même depuis la baie d’Hudson jusqu’à l’intérieur
du continent. Ce n’est qu’en 1821 qu’elles prirent fin,
avec la fusion de la Compagnie de la Baie d’Hudson et de la Compagnie
du Nord-Ouest. Cette dernière, une société de commerçants
de fourrures français, était à l’époque
la plus puissante entreprise en compétition avec la Compagnie de
la Baie d’Hudson. La collaboration du temps de guerre
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Contrat de service avec le gouvernement français,
9 octobre 1914, HBCA RG22/2/1
Crédit |
À l’opposé de cette compétition et de
ces conflits, un siècle plus tard, au début de la Première
Guerre mondiale, la Compagnie de la Baie d’Hudson fut à nouveau
impliquée dans des négociations avec le gouvernement français,
mais cette fois d’un caractère tout à fait différent.
Le gouvernement français et son économie étant complètement
désorganisés par la guerre, il devint évident que la
France aurait à s’en remettre à une marine marchande
étrangère pour assurer le transport des approvisionnements
dont elle avait besoin. En conséquence, la Compagnie de la Baie d’Hudson
devint le principal agent intermédiaire, chargé de l’achat
et du transport par voie d’eau des biens nécessaires à
combler les besoins de l’État français et des autres
alliés, dont la Belgique, la Roumanie et la Russie. La Compagnie
approvisionna ces pays en denrées alimentaires, matières premières
et produits manufacturés provenant de tous les pays du monde. Un
accord initial fut signé avec le ministre de la Guerre du gouvernement
français le 9 octobre 1914.
De 1914 à 1921, la Compagnie remplit 6 600 contrats différents
conclus avec divers organismes du gouvernement français et transporta
plus de 13 millions de tonnes de biens, sans compter un nombre non négligeable
de soldats, réfugiés et
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Le navire ravitailleur Nascopie au port de Brest,
1916 (Tiré de William Schooling, The Hudson's Bay Conpany 1670-1920.
London : Hudson's Bay Company, 1920)
Crédit |
prisonniers de guerre. Les documents conservés dans les Archives
de la Compagnie de la Baie d’Hudson, témoignant de ces activités,
comprennent de la correspondance, des contrats, des documents relatifs aux
finances et au transport des marchandises. Le navire ravitailleur Nascopie
de la Compagnie de la Baie d’Hudson faisait partie de la flotte de
navires utilisés pour les affaires transigées avec le gouvernement
français. La compagnie mit aussi sur pied une compagnie filiale,
« Bay Steamship Lines », pour assurer la gestion de
cette flotte.
Les documents ci-dessus ne constituent que deux exemples tirés des
nombreux documents faisant partie des Archives de la Compagnie de la Baie
d’Hudson, qui peuvent fournir de l’information sur l’histoire
de la France et sur la présence française en Amérique
du Nord. Les documents comprennent, entre autres, les journaux de Pierre--Esprit
Radisson, dans lesquels celui-ci a consigné, en langue française,
les récits de ses voyages en Amérique du Nord en 1682-1683
et en 1684; il faut aussi mentionner les documents de la Compagnie du Nord-Ouest,
qui comprennent des pièces comptables, de la correspondance, des
contrats d’engagement de voyageurs pour les <<pays d’en
haut>> de même que des livres de comptes tenus par les commis
de la Compagnie, pour n’en nommer que quelques-uns.
Pour en savoir davantage sur les Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson
et sur d’autres documents en rapport avec la « filière
française », consultez
notre site Web.
Pour de l’information sur l’inscription des documents au registre
de la Mémoire du monde de l’Organisation des Nations Unies
pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), consultez
le site.
Debra Moore
Directrice des acquisitions et des médias spéciaux (images
fixes, cartes géographiques, images en mouvement et son)
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